Rétrospective
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Rétrospective
Rétrospective d'un grenadier de la garde. Partie I. Univers parallèle.
Le vieil homme marchait d'un pas lourd sur les dalles de Paris. Les Parisiens affublés de leur manteau habituel regagnaient leur foyer alors que le tonnerre menaçait de gronder. Il n'y avait pas beaucoup de Parisiennes à cette heure là. Elles devaient sûrement être dans leur salon à piailler et papoter sur des choses sans importance. Et ça et là, des militaires se dirigeaient sûrement vers les casernes ou les bars de la ville. Dragons, voltigeurs, hussards, artilleurs et.. grenadiers. La vue de cet uniforme bleu et blanc, de ce chapeau portant la grenade blanche sur le dessus, lui rappelait de nombreux souvenirs. Il avait participé aux campagnes d'Autriche et à celle de Prusse. Blessé, il a été rapatrié à Paris après la bataille d'Eylau et la paix de Tilsit. Un vent glacial le fit légèrement frissonner et il s'enveloppa dans son manteau et croisa les bras histoire de se réchauffer. L'homme pressa le pas afin de regagner là où habitait sa femme et son fils. Lorsqu'il eût passé la porte d'entrée, le gamin courut retrouver les bras de son père qui l'étreignit avec tendresse. L'heureux gaillard se rendit près de la cheminée où il salua sa femme d'un baiser avant de s'installer dans un petit fauteuil. Il déposa son manteau sur une chaise qui traînait non loin.. mais son geste fut arrêté par son uniforme flambant neuf qui trônait sur le siège d'à côté..
****************
"Votre garde! Votre garde bon Dieu! Ne savez vous donc pas vous battre?" tempêtait l'officier qui dirigeait le régiment. "Regagnez les rangs Yu, j'espère que vous ferez mieux la prochaine fois."
La jeune recrue s'exécuta, l'air aussi penaud qu'un écolier qui se serait fait gronder par son maître. Il s'était engagé dans les vélites de la Garde Impériale en pensant à la gloire et à l'excitation que devaient procurer les combats, les affrontements. Les journaux de Paris ne cessaient de louer les faits d'armes de l'Empereur, des maréchaux et de quelques soldats qui s'étaient distingués. Sa taille était très juste pour faire partie des Grenadiers de la Garde, et il eut espéré faire partie des Voltigeurs, cependant, le Capitaine Verdieb avait besoin de nouvelles troupes fraîches pour sa compagnie récemment créée. Alors Yu fut affecté au 2ème régiment de Grenadiers. Son arrivée au régiment ne se passa pas trop mal, bien que sa taille menue lui attirait quelques fois des interrogations de la part de ses camarades. Il apprit à se faire rapidement des amis et des compagnons d'armes avec lesquels il fréquentait les bars et avec lesquels il s'entraînait. Le jeune homme se souviendra toujours de sa première cigarette. Voyant tous les vieux grognards fumer, ces vétérans de la campagne d'Italie, ces héros qui avaient tous reçu la Légion d'Honneur, les félicitations de l'Empereur et qui étaient glorifiés par la victoire, la plupart des jeunes recrues essayaient de les imiter.. ce qui donnait un spectacle parfois pathétique. Les vétérans se délectaient de ces scènes absurdes où deux jeunes grenadiers croisaient le fer pour une cigarette ou pour un bol de vin chaud. Heureusement, il n'y avait pas de morts, seulement quelques blessés.
Yu était comme ses compagnons recrues à deux détails près : sa taille, et son inaptitude à se battre au corps à corps. Bien sûr, il maniait l'épée comme tout le monde mais n'était guère doué. Ne parlons même pas de la baïonnette. Combien de combats avait-il perdu? Il ne les comptait plus. Il comprit que devenir un héros, c'était avant tout savoir se battre et se battre bien. Ses premières passes d'armes se déroulaient contre le caporal Rek qui ne manquait pas de le toiser et de l'encourager. Le capitaine lui-même essayait de le faire progresser, répétant et martelant les mots "Votre garde! Revoyez votre garde! J'aurais pu vous tuer!". Lorsqu'il eût acquis les rudiments du combat à la baïonnette grâce à ses supérieurs qui faisaient d'excellents mais sévères professeurs, il rejoignit les autres sur le terrain d'entraînement. Dès lors, il se rendit compte que la plupart avait déjà un niveau bien supérieur au sien. Yu n'abandonna pas, et continua de s'entraîner avec les autres sous l'oeil sévère du capitaine qui prenait quelques fois part au combat. Mais si la jeune recrue n'était pas un bon combattant au corps à corps, il s'en sortait mieux au tir. Il reçut plusieurs fois des félicitations de ses camarades et de ses officiers. Ces compliments étaient comme un baume au coeur pour lui, car cela compensait ses aptitudes de combat au corps à corps désastreuses. Il se demandait encore pourquoi les recruteurs ne l'avaient pas envoyé dans un régiment de voltigeurs. Mais qu'importe, il avait des amis et frères d'armes, il s'entraînait et progressait, c'était ce qui comptait.
Si Yu ne s'entraînait pas, il fréquentait les bars et la cantinière avec les vétérans de la Garde et les nouvelles recrues. La plupart étaient joueurs si bien qu'il se laissa enivrer par le plaisir du jeu.. et il gagnait souvent! Comment diable ce petit grenadier arrivait à gagner toutes les parties de dés? Et s'il n'en gagnait une, comment pouvait-il regagner tout l'argent qu'il avait perdu sur les coups suivants? "Il doit être cocu ce gamin!", "Sa femme le trompe, ce n'est pas possible!" plaisantaient ses camarades. Si la plupart avaient une mine renfrognée lorsqu'ils perdaient, ils retrouvaient le sourire lorsque Yu payait la tournée et le repas pour tout le monde avec l'argent qu'il avait "salement" gagné.. (car peut-on dire que l'argent gagné au jeu est sale?) Tout cela, c'était quand il n'y avait pas la guerre. Car lorsque le clairon résonnait, alors il fallait faire son paquetage, préparer ses souliers, en acheter de nouveau s'il le fallait, vérifier s'il reste encore les trois chemises réglementaires etc. Lors des marches normales, pour rejoindre un village ou une ville, chacun n'avait l'air de se soucier que de son estomac et du logement qui les attendrait sur place. Mais lorsque les hommes voyaient les étendards des régiments du 5ème voltigeurs, du 45ème de ligne, du 9ème d'artillerie et du 7ème de cavalerie légère, ils savaient qu'ils allaient devoir se battre. Et si certains étaient heureux de croiser le fer ou n'appréhendaient pas cet instant fatidique ou l'ordre d'un général pouvait les conduire à la mort, leur bonne humeur n'était pas contagieuse. Yu, qui était si pressé de devenir un héros, se renfrogna lorsqu'il entendit qu'on allait se battre près d'une petite ville aux mains des Prussiens pour couper leur ravitaillement. Pour lui et ses camarades, ce n'était qu'une bataille.. Pour les généraux, c'était la guerre qui se jouait..
Rétrospective d'un grenadier de la garde. Partie II.
Escarmouche près de la route de Bruxelles, 3 septembre 1815, univers parallèle.
Escarmouche près de la route de Bruxelles, 3 septembre 1815, univers parallèle.
Des Anglais à Bruxelles? Des Prussiens près de Ligny? L'Empereur devait à tout prix les battre séparément. Il était une vraie force de la nature, chevauchant sans relâche à la tête de ses troupes avec ses maréchaux. Il avait tout prévu.. Il devait tout prévoir. Ce qu'il n'avait pas prévu lui coûterait extrêmement cher. Alors qu'il livrait bataille à Ligny contre les Prussiens, une partie du IVe corps qui était parti en éclaireur sur la route de Bruxelles fut interceptée par une force Britannique supérieure en nombre. Yu faisait partie du corps expéditionnaire. Il en avait vu des batailles avant celle-ci mais le moral n'était pas au rendez-vous. Ce devait être le cas pour tout le monde car chacun traînait des pieds. Le général chevauchait en tête avec son aide de camp. Ils étaient fièrement redressés sur leur monture, la main gauche sur le pommeau de leur épée et guidant leur animal par la bride de la main droite. Derrière marchait en colonne le reste de la brigade. Environ cinq cents hommes. Personne ne parlait, chacun savait que l'on se battait pas loin et que la colonne pourrait rencontrer une force ennemie à tout moment. Les canons tonnaient à l'est mais le général avait ses ordres. Il devait partir en reconnaissance et fortifier un village proche de Bruxelles afin d'empêcher les Prussiens de se ravitailler ou de trouver du repos et de faire jonction avec leurs alliés. Quelle surprise lorsque les voltigeurs revinrent en sueur et rapportèrent la présence d'Anglais. Yu marchait derrière le sous-lieutenant Ferdinand et surprit quelques mots du général :
"Des Anglais dites-vous? Le Comte D'Erlon m'avait assuré que les Prussiens tenaient la position."
"Mon général, ce sont les anglais qui nous attendent sur les plaines à moins de deux kilomètres au nord avec environ six cents hommes, artillerie et cavalerie. Nous devrions contourner cette force et les prendre à revers ou leur passer dans le dos."
"Nous pourrions, mais eux.. savent-ils que nous arrivons?"
"Oui mon général."
Vous l'aurez compris, les hommes pensaient qu'ils n'avaient aucune chance. Mais le général ordonna la marche vers les anglais, assuré d'une victoire simple sur les forces peu expérimentées de ces derniers. Alors Yu frissonna à l'idée de devoir se battre. La plupart du temps, il simulait une maladie pour ne pas aller au combat. Il préférait les coups de savates au risque de se faire tuer, même si c'était pour la gloire et celle de l'Empereur. Cette fois-ci, il n'avait pas le choix. Il allait devoir se battre. Alors il espérait que la Garde serait gardée en réserve, qu'il ne devrait pas aller en première ligne et qu'il n'allait mourir aujourd'hui. Il avait réussi tellement de fois à éviter le combat ou à survivre lors des affrontements où il était présent. "Quel gâchis!" jura-t-il entre ses dents. Perdu dans ses pensées, il n'entendit presque pas le canon tonner devant lui. Le boulet frappa le sol quelques centimètres à droite de la colonne, emportant quelques fusiliers du 45ème avec lui. Chacun sursauta et resserra son emprise sur le bois du fusil. Tous attendaient avec anxiété le combat qui approchait.
"Formez la colonne Messieurs! Protégez les canons!" hurla Ferdinand, l'officier qui commandait le 2ème.
Chacun s'exécuta rapidement. L'adrénaline avait pris le contrôle des esprits. L'important n'était plus d'éviter le combat mais de combattre pour ne pas mourir cette fois-ci. L'artillerie à pied essaya de se positionner sur une colline alors que la garde manoeuvrait bien en retrait derrière elle pour être gardée en réserve. Yu enrageait de ne pouvoir voir ce qu'il se passait sur le champ de bataille. D'habitude, les canons étaient positionnés sur des hauteurs et la garde juste derrière... Cette fois-ci, les grenadiers s'abritaient derrière la colline pour provoquer un effet de surprise. Yu devait se retenir de sortir de la ligne pour passer la tête et regarder les manoeuvres du 45ème et du 5ème car le début des batailles offrait toujours un spectacle saisissant. La discipline et son entraînement le rappelaient à l'ordre. Des coups de feu résonnaient déjà alors que l'artillerie n'avait pas encore eu le temps de se placer. Des ordres hurlés fusaient dans tous les sens, des harangues, des encouragements, des cris.. et par dessus tout cela, les coups de canons, les coups de feu et le bruit des sabots martelant le sol plongeaient les esprits des soldats dans un état où plus rien ne comptait à part tuer ou être tué... Bien que souvent, ils affrontaient un adversaire déloyal qu'était l'artillerie adverse. Celle-ci infligeait des pertes sans qu'ils ne pouvaient riposter ce qui avait le don d'énerver au plus haut point les amis des grenadiers tombés à cause d'un boulet. Alors que le bataille avait été largement engagée, Yu ne tenait plus en place : il voulait à tout prix voir ce qu'il se passait.. Et il allait avoir l'occasion de le faire.
"Marche!"
La colonne s'ébranla. Le tambour rythmait la cadence des pas. Quatre-vingt-dix gaillards qui marchaient en cadence, cela faisait du raffut. Sans compter le sabre briquet qui bougeait en tous sens à gauche de la ceinture. Certains pensaient que cela ralentissait la marche et la charge des grenadiers, d'autres trouvaient cette arme indispensable car elle faisait partie de l'uniforme réglementaire. Yu préférait le sabre à la baïonnette mais il était de bon ton de livrer bataille uniquement avec cette dernière. Bientôt, la colonne passa sur la gauche de la colline où l'artillerie s'était enfin déployée. Le soldat jeta un rapide coup d'oeil sur les artilleurs et reconnut le capitaine de Beauharnais, qui devait sûrement être en train d'estimer l'angle auquel il fallait tirer. Il était connu dans tout le bataillon pour ses estimations et ses tirs précis dévastant les lignes ennemies. Yu sourit intérieurement à cette idée car l'ennemi devait ressentir la même rage de ne pouvoir riposter face à l'artillerie qui infligeait sûrement plus de pertes que trois régiments d'infanterie de ligne faisant feu. Lorsqu'il quitta des yeux l'artillerie, le grenadier découvrit une plaine verdoyante parsemée de colline, des regroupements de points bleus et rouges essayant de trouver des hauteurs pour prendre l'avantage, des nuages de poussière soulevés par les régiments de cavalerie et des cratères encore fumants là où les boulets s'étaient écrasés. "Quel merveilleux spectacle!" pensa-t-il intérieurement.
Un bruit de sabot proche détourna son regard du champ de bataille. Fièrement monté sur son cheval blanc et la lame au clair, le général en personne dans son uniforme bleu et son chapeau à plumes noires venait prendre la tête de la colonne.
"Ferdinand, je vous guiderai vers le flanc droit adverse. Vous serez soutenu par un détachement du 45ème et couverts par les voltigeurs. Prenez-moi cette position d'artillerie, Monsieur. Je compte sur vous!"
L'officier acquiesça d'un simple hochement de tête et fit courir ses hommes afin de suivre son supérieur. Dans la colonne, Yu désapprouvait cette manoeuvre car d'une, il allait devoir charger sur une position d'artillerie sûrement défendue par un grand nombre d'anglais, et de deux, d'après ce qu'il avait vu du champ de bataille, les dragons légers adverses étaient encore nombreux. Et il redoutait plus que tout au monde un choc contre de la cavalerie. Alors qu'un poing de coté commençait à se faire sentir, Yu se força à trouver son second souffle et observa les environs. Les grenadiers manoeuvraient dans le creux entre deux collines afin de ne pas se faire repérer, suivis de près par les soldats du 45e tandis que les voltigeurs couraient à toute vitesse sur les côtés de la colonne pour se positionner en premier et avoir les meilleures positions de tirs.
L'aide de camp du général arriva au galop par l'arrière du détachement et rejoignit son supérieur. Il avait de la suie sur son bel uniforme et avait perdu son casque lors d'un affrontement. Yu tendit l'oreille alors qu'il suivait la cadence imposée par le général qui malmenait ses petites guibolles.
"Le 7ème Hussards a mis en fuite la cavalerie adverse au prix de nombreuses pertes. Le colonel Pierre a perdu une trentaine d'hommes lors de l'affrontement." annonça l'aide de camp.
Quel soulagement pour les grenadiers. Le noeud qui s'était noué dans les entrailles de chacun venait de se délier. Alors que le détachement progressait derrière les collines qui protégeaient la vallée où se déroulait le gros de l'affrontement, des coups de feu proches commençaient à se faire entendre. Les voltigeurs avaient dû engager le combat.. mais contre qui? Alors que le crépuscule approchait, on entendit un soldat hurler d'une voix paniquée :
"Sur la colline! Des anglais! Plein d'anglais!"
Chacun tourna la tête en direction du soleil, dans sa lumière flottaient deux étendards anglais tandis qu'à leur pied, toute une ligne de soldats se positionnait sur le sommet de la colline d'un pas lourd et décidé. Le vent faisait claquer les bannières anglaises d'une façon menaçante alors que la centaine de baïonnettes et la lame de l'épée de l'officier qui commandait le régiment rutilaient d'une lueur sinistre. Des highlanders, les soldats venus du nord du Royaume-Uni, avaient pris position et regardaient de haut la colonne française.
"Take aim!" entendit-on par dessus les bruits de pas.
Le teint des hommes virait au pâle. Le temps sembla s'arrêter dans l'espace d'un instant, en attendant le moment où la salve serait tirée. Allais-je mourir? C'était la question qui trottait dans tous les esprits. Yu avait les yeux rivés sur les bannières anglaises baignant dans la lueur rougeâtre du soleil. Les couleurs du 2ème claquaient au dessus de sa tête. "Valeur et Discipline". Ses pensées furent interrompues par les tirs des anglais. Les balles sifflèrent. En réponse, des blessés hurlèrent de douleur tandis que d'autres s'effondraient sur le sol, répandant leur sang sur l'herbe verte de la plaine. Mais quelle surprise pour chacun lorsqu'en réponse, on entendit également le bruit des sabots martelant le sol. Des cris de guerre étaient hurlés alors que les hussards lançaient leur monture au galop, lame au clair, décidés à tailler en pièce ce détachement arrogant d'anglais. Le choc fut terrible, des hennissements résonnaient sur le champ de bataille par dessus les coup de canons. Et par dessus le fracas des armes et les cris des mourants :
"Chargez!"
Jamais Yu n'avait senti un besoin aussi pressant d'aller se battre. Le régiment désorganisé de highlanders était devenu une proie facile à présent. Le sous-lieutenant Ferdinand mena la charge suivi de tous ses grenadiers tandis que le général Bastien chevauchait avec son aide de camp en tête et faisait tournoyer son épée. Un cri général jaillit de la gorge de chacun. "Pour l'Empereur!" Yu hurlait à plein poumons en se ruant sur les anglais. Il n'avait plus peur à présent, enivré par cette folie guerrière. Il suivait les couleurs du 2ème. Valeur et Discipline. Ces mots allaient porter la parole de l'Empereur en haut de cette colline, et balayer toute résistance. Les étendards français flottaient fièrement au dessus des chapeaux en peau d'ours.
Yu se mit en joue et fit feu dans le tas d'uniformes rouges et blancs devant lui. Il ne savait pas s'il avait fait mouche et s'élança dans le corps à corps avec tous ses camarades. Il était temps de montrer que l'entraînement qu'il avait reçu portait ses fruits. Yu se retrouva nez à nez face à un anglais qui essaya de frapper. Le grenadier para de justesse le coup et essaya de placer un coup de crosse. Les deux fusils s'entrechoquèrent, chacun essayant de faire tomber l'autre pour prendre l'avantage. Soudain, la pression qu'exerçait l'anglais tomba subitement si bien que Yu faillit perdre l'équilibre. Il ne remarqua qu'après que son adversaire était transpercé de part en part par l'épée de son supérieur, Ferdinand. Ce dernier semblait mal à l'aise avec une épée mais se défendait fort bien. Yu tourna la tête sur sa droite et vit un de ses camarades en mauvaise posture. Ne réfléchissant pas plus, il se jeta, baïonnette en avant, sur l'anglais et le transperça au niveau du flanc. Lorsqu'il dégagea sa baïonnette, le corps du soldat s'effondra lamentablement sur le sol. Les deux grenadiers enjambèrent le cadavre et continuèrent la lutte qui ne dura guère longtemps. Le général Bastien en personne frappa d'estoc en plein coeur le porte étendard du régiment de highlanders, tandis que son homologue français le poussa d'un coup de pied qui l'envoya rouler sur le flanc de la colline.. Les Highlanders étaient mis en déroute. La cavalerie légère les pris en chasse et acheva les derniers survivants.
Enivrés par cette victoire, les grenadiers de la Garde, menés par leur général et leur officier, dévalèrent la colline et chargèrent droit vers les canons. Même Yu ne ressentait plus aucune peur à charger dans l'axe des fûts. Le petit détachement du 45ème courait droit vers la position également. Les anglais semblaient en proie à une confusion générale alors que le gros du régiment d'infanterie de ligne française avait vaincu leurs homologues britanniques malgré de lourdes pertes due à l'artillerie et les chasseurs. Les grenadiers se retrouvaient maintenant dans la vallée où avait lieu le gros de l'affrontement. Yu aperçut quatre étendards anglais près de la position d'artillerie ce qui signifiait deux régiments puisque leurs compagnies portaient deux drapeaux. L'un d'entre eux s'effondra lorsqu'un boulet précis des artilleurs français atterrit au beau milieu du régiment.
Alors que les français gravissaient les hauteurs contrôlées par leurs adversaires, ceux-ci déversaient un déluge de balle et de fonte sur les soldats de tous les régiments. Le général Bastien chevauchait en tête et alla s'en prendre aux artilleurs avec le reste des hussards. Yu courait toujours, malmenant ses jambes douloureuses. Il voulait à tout prix faire partie de ceux qui seraient vivants pour fêter la victoire. A l'instant où il eut cette pensée, une balle siffla près de lui et l'atteignit sur le flanc gauche. Il s'effondra en essayant de contenir le flot de sang qui s'échappait. Avant de perdre connaissance, il balaya le champ de bataille une dernière fois du regard, contemplant les tas de cadavres jonchant la vallée, l'herbe rougie par le sang, les fusils et étendards laissés à l'abandon. Une délicate brise faisait virevolter les brins d'herbe de la plaine. Le soleil se couchait, baignant le champ de bataille d'une leur rose presque surnaturelle. Des panaches de fumée ça et là se dissipaient pour dévoiler le carnage réalisé par l'artillerie. Comme un écho, il entendait les bruits de ses camarades porter le combat au coeur des lignes ennemies, les cris de guerre et bientôt.. les vivats...
Alors que la bataille était terminée, un chirurgien major avec quelques gardes, voyant qu'il était encore envie, le posa sur un brancard et le transporta jusqu'au village qu'ils avaient pris aux anglais. C'était une victoire décisive.. mais coûteuse.
Dernière édition par ZhiYu le Dim 4 Sep - 9:34, édité 4 fois
Re: Rétrospective
Rétrospective d'un Grenadier de la Garde. Partie III.
Derniers mots d'un homme à un autre.
Derniers mots d'un homme à un autre.
Je crois que je n'ai jamais employé la première personne pour conter l'histoire de ce grenadier mais il est grand temps de le faire. Suite à cette escarmouche près de la route de Bruxelles, le chirurgien-major estima son cas stable. Il n'en était rien. Le pauvre homme s'est mis à délirer et à contracter des maux dans tout le corps. Sa peau était brûlante et son teint livide. Il hurlait encore et encore, appelant à l'aide, suppliant l'Empereur de le délivrer de ses tourments. Je me souviens encore de ses yeux écarquillés, regardant dans toutes les directions à la recherche d'une aide qui n'arrivait jamais. Je me souviens encore de ses larmes de tristesse et d'effroi alors qu'il s'approchait à grands pas de l'autre rive du Styx. Je me souviens encore de ses supplications : "Sauvez-moi! Sauvez-moi monsieur si vous le pouvez!" scandait-il à ses camarades qui lui rendaient visite. Les médecins ne pouvaient plus rien pour lui. Son sang aurait été infecté par quelques parasites dont le nom m'est encore imprononçable pour le moment. Durant ses dernières heures, il s'efforçait de contrôler son corps qui lâchait petit à petit, et qui à sa manière, demandait de l'aide. Soudainement, la douleur commença à s'estomper. Zhi Yu s'agrippa à mon bras avec ses dernières forces et plongea ses iris noirs dans les miens. J'étais plus que mal à l'aise. Son regard était si intense. Alors que je posais ma main sur la sienne, il prit une longue inspiration qui le fit grimacer et murmura :
"Vous m'entendez monsieur?"
J'acquiesçai de la tête et me penchai vers lui. Il continua :
"Pouvez-vous dire au Capitaine Verdieb et à mes camarades... (il marqua une pause pour reprendre son souffle) que je suis désolé?"
La douleur tira les traits de son visage et le força à s'arrêter. Je demeurai, pour ma part, interdit. Je ne savais que dire dans une telle situation. Il reprit une inspiration et toussa violemment, laissant échapper un filet de sang sur sa couverture. Puis il continua d'une voix faible et emplie de chagrin :
"Pouvez-vous leur dire à quel point je suis désolé de ne pas avoir livré bataille avec eux et de ne pas avoir été à la hauteur?"
Le temps semblait s'arrêter alors que les mots sortaient de sa bouche. Il faisait nuit noire dehors, on entendait que le doux bruissement des feuilles et le crépitement du feu de camp. La flamme de la bougie, qui était posée à coté de lui, vacilla un instant puis revint à son état initial. Et au dessus de tout cela, j'entendais la respiration douloureuse et faible du grenadier. Il s'apprêtait à reprendre la parole :
"Vous le leur direz n'est-ce pas Monsieur?"
Complètement abasourdi et ne sachant pas quoi dire, je me contentai encore une fois d'acquiescer de la tête. Je déglutis avec difficulté. Sa main se referma alors encore plus sur mon bras. Je n'osais plus le regarder. Je devais lutter contre les larmes qui menaçaient de ruisseler sur mes joues. Je ne savais plus que faire. Lorsque je reportai mon regard sur lui, il me fixait encore. Lui, pleurait. Mais ses yeux étaient rivés sur moi. Je serrai encore plus fort sa main et lui dit d'une voix émue :
"Je le ferai Monsieur. Vous avez ma parole."
Son emprise sur mon bras se desserra et il eut une esquisse de sourire sur ses lèvres. Une brise plus violente fit claquer la toile de la tente et fit vaciller la flamme de la bougie qui s'éteignit. Je dégageai mon bras délicatement et je m'attelai à la rallumer. Lorsque la lumière revint dans la tente, je me tournai vers lui. Il me fixait encore avec cette esquisse de sourire et ses yeux emplis de larmes. A la seule différence que je n'entendais plus le bruit de sa respiration. A minuit et trente-quatre minutes, Dieu avait rappelé un autre de ses fils dans ses bras. Je me devais de retenir mes larmes encore quelques instants. Je me souviens que tout le temps s'était arrêté à ce moment-là. Tout semblait plus vide et hostile que jamais. Je me suis redressé et j'ai fermé ses yeux délicatement avant de recouvrir son visage de sa couverture. Puis je me suis levé et je l'ai salué.
Alors que j'allais quitter la tente, je remarquai une lettre non scellée près de lui avec une alliance. Je supposais qu'elle était destinée à sa femme et à son enfant alors je l'ai prise et l'ai glissée dans mon uniforme. Et je suis sorti dans la nuit noire. Les soldats dormaient pour la plupart, seuls quelques officiers parlaient dans une tente voisine, non loin de là. Mais je me rappelle encore que ces voix semblaient infiniment distantes. Je me sentais seul et perdu dans une nuit noire et obscure. Je me sentais juste mortel. Je me demandais ce qui allait se passer demain comme ce qui aurait pu se passer hier.
Je ne sais pas que dire de plus sur cette courte nouvelle contant l'histoire de Zhi Yu, soldat du deuxième régiment de Grenadiers de la Garde. Si ce n'est que je me souviens encore mot à mot de la lettre qu'il avait adressée à sa femme. Je vous laisserai la découvrir dans l'annexe. Vous savez à présent comment gloire et mort sont intimement liés par la guerre. Et je prie chaque jour que notre Seigneur fait pour que ceci ne se reproduise pas, afin que vous, jeunes gens, jeunes fiancées, mères et pères, frères et soeurs, ne soyez confrontés à la situation dans laquelle j'étais. Car si lui ne me reconnaissait guère dans son délire, moi, je le connaissais bien.
"Vous m'entendez monsieur?"
J'acquiesçai de la tête et me penchai vers lui. Il continua :
"Pouvez-vous dire au Capitaine Verdieb et à mes camarades... (il marqua une pause pour reprendre son souffle) que je suis désolé?"
La douleur tira les traits de son visage et le força à s'arrêter. Je demeurai, pour ma part, interdit. Je ne savais que dire dans une telle situation. Il reprit une inspiration et toussa violemment, laissant échapper un filet de sang sur sa couverture. Puis il continua d'une voix faible et emplie de chagrin :
"Pouvez-vous leur dire à quel point je suis désolé de ne pas avoir livré bataille avec eux et de ne pas avoir été à la hauteur?"
Le temps semblait s'arrêter alors que les mots sortaient de sa bouche. Il faisait nuit noire dehors, on entendait que le doux bruissement des feuilles et le crépitement du feu de camp. La flamme de la bougie, qui était posée à coté de lui, vacilla un instant puis revint à son état initial. Et au dessus de tout cela, j'entendais la respiration douloureuse et faible du grenadier. Il s'apprêtait à reprendre la parole :
"Vous le leur direz n'est-ce pas Monsieur?"
Complètement abasourdi et ne sachant pas quoi dire, je me contentai encore une fois d'acquiescer de la tête. Je déglutis avec difficulté. Sa main se referma alors encore plus sur mon bras. Je n'osais plus le regarder. Je devais lutter contre les larmes qui menaçaient de ruisseler sur mes joues. Je ne savais plus que faire. Lorsque je reportai mon regard sur lui, il me fixait encore. Lui, pleurait. Mais ses yeux étaient rivés sur moi. Je serrai encore plus fort sa main et lui dit d'une voix émue :
"Je le ferai Monsieur. Vous avez ma parole."
Son emprise sur mon bras se desserra et il eut une esquisse de sourire sur ses lèvres. Une brise plus violente fit claquer la toile de la tente et fit vaciller la flamme de la bougie qui s'éteignit. Je dégageai mon bras délicatement et je m'attelai à la rallumer. Lorsque la lumière revint dans la tente, je me tournai vers lui. Il me fixait encore avec cette esquisse de sourire et ses yeux emplis de larmes. A la seule différence que je n'entendais plus le bruit de sa respiration. A minuit et trente-quatre minutes, Dieu avait rappelé un autre de ses fils dans ses bras. Je me devais de retenir mes larmes encore quelques instants. Je me souviens que tout le temps s'était arrêté à ce moment-là. Tout semblait plus vide et hostile que jamais. Je me suis redressé et j'ai fermé ses yeux délicatement avant de recouvrir son visage de sa couverture. Puis je me suis levé et je l'ai salué.
Alors que j'allais quitter la tente, je remarquai une lettre non scellée près de lui avec une alliance. Je supposais qu'elle était destinée à sa femme et à son enfant alors je l'ai prise et l'ai glissée dans mon uniforme. Et je suis sorti dans la nuit noire. Les soldats dormaient pour la plupart, seuls quelques officiers parlaient dans une tente voisine, non loin de là. Mais je me rappelle encore que ces voix semblaient infiniment distantes. Je me sentais seul et perdu dans une nuit noire et obscure. Je me sentais juste mortel. Je me demandais ce qui allait se passer demain comme ce qui aurait pu se passer hier.
Je ne sais pas que dire de plus sur cette courte nouvelle contant l'histoire de Zhi Yu, soldat du deuxième régiment de Grenadiers de la Garde. Si ce n'est que je me souviens encore mot à mot de la lettre qu'il avait adressée à sa femme. Je vous laisserai la découvrir dans l'annexe. Vous savez à présent comment gloire et mort sont intimement liés par la guerre. Et je prie chaque jour que notre Seigneur fait pour que ceci ne se reproduise pas, afin que vous, jeunes gens, jeunes fiancées, mères et pères, frères et soeurs, ne soyez confrontés à la situation dans laquelle j'étais. Car si lui ne me reconnaissait guère dans son délire, moi, je le connaissais bien.
Zhanh Yu.
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